Transcription du point macroéconomique télévisé sur B Smart
Grégoire Favet : Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché. Éric Venet est à nos côtés le directeur de la gestion de Montbleu Finance. Bonsoir Éric. Bonsoir Grégoire. Kevin Le Nouail nous accompagne également. Bonsoir Kevin. Bonsoir Grégoire. Vous êtes directeur associé chez Avant-Garde Family Office. Ravi de vous retrouver autour de ce plateau et de ces micros Nicolas Chéron, en chair et en os. Bonsoir Nicolas. Bonsoir Grégoire. Merci de faire un petit passage chez nous à l'occasion de votre venue à Paris. Vous êtes stratégiste indépendant. Petit commentaire sur l'ambiance de marché. Avril- mai, marque quand même une consolidation latérale, comme disent les techniciens de marché. Est-ce que ça nous amène sur une pente forcément glissante, pour ceux qui s'en inquiéteraient, ou est-ce que c'est simplement le signe d'une respiration avec peut-être un petit manque de catalyseur à court terme aujourd'hui ?
Nicolas Chéron : Oui, je pense que c'est cela. C'est un manque de catalyseur pour l'instant, un attentisme exacerbé aussi avant, notamment, la décision de la BCE, évidemment. Des belles performances depuis le début de l'année sur toutes les classes d'actifs. Entre janvier et mars, on a eu une envolée de plus 15% sur le Nasdaq qui caracole sur ses records historiques tirés par Nvidia. Mais quand on regarde sinon les autres actifs, on a l'or qui fait du sur place depuis trois mois à peu près, après avoir atteint des records historiques autour de 2 400 dollars l’once. Le bitcoin qui se stabilise autour des 70 000 $, même chose, attentiste sous ses records historiques, mais tout de même bien soutenu. Le CAC 40 qui fait du sur place depuis trois mois, qui se cherche. On cherche quoi dire pour expliquer ce qui se passe. Je pense que les investisseurs sont dans le marché, sont confiants, sont attentistes. On a la période estivale devant nous. Une période estivale, ça peut être une période de moindre liquidité, potentiellement de trous d'air. Mais pour ce qui est de parler de retournement, de cassure, de mauvaises nouvelles, on n'y est pas pour le moment, donc on lévite.
Grégoire Favet : Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé ? Je pense notamment au fait qu'on voit le rebond et le réveil des small caps, particulièrement en Europe. Peut-être que de ce point de vue là, la situation américaine est différente de la situation européenne. Et que nous dit un peu ce signal de rattrapage de toute cette partie de la cote moyennes et petites capitalisations qui a été longtemps en sous-performance ?
Nicolas Chéron : Il y a eu une sous-performance effectivement assez énorme de par un désintérêt des small caps. Il y a eu énormément de flux vers la gestion passive qui sont allés dans la tech et dans les grosses capitalisations. Il y a eu un désintérêt des gérants. Il y a eu des sorties de capitaux aussi chez de nombreux gérants qui sont spécialisés sur les small caps françaises et européennes. Mais on voit la matérialisation de l'espoir, enfin, des baisses de taux qui, en théorie, devraient être un soutien à ce pan du marché. Ce sont des taux relativement élevés qui avaient pesé sur tout ce pan de la cote. Donc, désormais, si ça devait se détendre de ce à ce côté-là, mais on attend d'en savoir plus, évidemment, les small caps pourraient en profiter. On a vu des redémarrages de small caps qui étaient attentistes depuis 6, 9 mois. Et puis, on a des rattrapages aussi de tous les mauvais élèves, on a vraiment un intérêt. Et pour les gens qui font du stock picking, notamment, on a pas mal de choses à faire sur toutes les small caps françaises.
Grégoire Favet : Quand vous dites effectivement le rebond des mauvais élèves, ça veut dire que la moindre qualité arrive à rebondir, rebondir parfois plus fort d'ailleurs peut-être que la qualité dans ce mouvement-là ?
Nicolas Chéron : On a vu des sociétés qui continuaient de publier des résultats qui n'étaient pas au top, mais qui nous faisaient des prévisions un tout petit peu meilleures que précédemment et qui pouvaient engendrer des rebonds de 10, 15, 20, 30%. On a quand même plein de petites valeurs qui étaient complètement au tapis, et certaines, depuis un an, deux ans. Je pense qu'il y a d'une part les gérants, d'autre part, les particuliers. Il y a moins de choses à faire sur d'autres actifs, pour ceux qui cherchent de la volatilité et qui s'ennuient sur les cryptos, chose qui est relativement rare. Je pense qu'en ce moment, ils sont allés typiquement sur les small caps, qui avant d'ailleurs était le foyer de volatilité des marchés actions.
Grégoire Favet : Bon, Éric, donc tous sur les small caps ?
Éric Venet : En fait, Nicolas vient de le dire, pas mal d'actifs sont hauts, déjà, et donc le marché des mids et des small, c'est "the place to be". Pour l'instant, il n'y a plus que celui-là où on peut trouver de la volatilité et donc de la performance. Néanmoins, ça reste quand même... Déjà, les flux ne sont pas forcément excessifs. Pour l'instant, il y a un intérêt avec des rattrapages sur des titres qui avaient été complètement massacrés. On peut justifier parce qu'effectivement, on va entériner les baisses des taux, mais il n'y a pas encore un intérêt puissant. C'est juste un rattrapage. C'est juste un premier étage. Oui, c'est une première étape.
Grégoire Favet : Ça reste tactique ?
Éric Venet : Oui, pour l'instant, oui.
Grégoire Favet : Et pas encore complètement stratégique ?
Éric Venet : Qu'est-ce qu'il faudrait ? Il faudrait simplement que, justement, on atteste une baisse des taux régulière. Et donc, pour pouvoir dire : les conditions financières s'allègent et on va pouvoir prendre davantage de risques et puis les entreprises, lever davantage de capitaux puisqu'on y aura un peu plus d'appétit. Et c'est ça dont ont souffert, pas la plupart, mais beaucoup de petites entreprises. Donc, pour le justifier économiquement. Il faudrait qu'on ait une baisse des taux régulière, annoncée par les banquiers centraux.
Grégoire Favet : Et la baisse ne nous offrira pas cette visibilité demain ?
Éric Venet : Non, je ne crois pas. Trop tôt. Pour moi, elle va acter ce processus de désinflation pour mettre tout le monde d'accord et puis pour éviter de penser qu'on pourra encore remonter. Et du coup, c'est le point de départ obligé. Il fallait absolument là pour qu'on ait une reprise du marché des milliers de small. Au fur et à mesure que dans le marché, on se persuadera que c'est effectivement un nouveau cycle qui démarre. Je ne suis pas encore bien sûr. Vous n'êtes pas encore sûr de ça ? Pour moi, elle l'accompagne. Pour l'instant, ce n'est pas encore non plus très puissant. Et quand on se persuadera de ça, on aura un rattrapage massif parce qu'il y a un retard sur ce marché-là.
Grégoire Favet : Kevin, comment vous regardez la situation de marché un peu globale ? Comment on peut imaginer le cycle ou les développements devant nous ? Et puis, il faut évidemment parler de l'éléphant dans la pièce, la décision de la BCE attendue demain. Est-ce que ça a déjà généré peut-être comme attente de la part des investisseurs ? Et est-ce que ça peut avoir des conséquences supplémentaires ? Une première baisse de taux en zone euro, qu'est-ce que ça change ?
Kevin Le Nouail : Déjà, le point de départ est relativement intéressant. Je pense qu'on s'entend là-dessus, c'est qu'en effet, on arrive à une première moitié de l'année qui était relativement bonne, flatteuse, sur les performances, en tout cas pour les actifs risqués. Demain, de mon point de vue, en effet, va marquer l'introduction à un nouveau chapitre. L'introduction seulement. On va a priori prendre acte d'un pivot réel avec évidemment une baisse des taux de la BCE. Mais évidemment, ce qui nous intéresse, comme le précisait Éric, c'est le calendrier qui peut potentiellement ensuite arriver derrière. Et c'est ça, éminemment, qui va nous intéresser, parce que la baisse des taux en tant que telle, on a l'introduction, a priori, on connaît tous la musique, mais on n'a pas la partition complète. Et c'est vraiment ce qui va nous manquer demain. La baisse des taux, globalement, je pense qu'on fera tous nos choux gras ou nos articles de publication à nos clients dessus. La réalité des choses, c'est que c'est l'ensemble de la conférence qui va nous intéresser. Est-ce qu'on a demain un calendrier qui nous est non pas posé, mais qui, en tout cas, commence à être introduit pour un cycle accommodant ? Et ça, c'est beaucoup moins certain. Donc demain, de mon point de vue, porte encore beaucoup d'incertitude. Je le crois ainsi. On a aujourd'hui des investisseurs qui se retrouvent globalement à la confluence de beaucoup d'hypothèses. On va aller tester justement beaucoup d'hypothèses. Les hypothèses macro, évidemment, sont testées en termes d'inflation, bien entendu, en termes de croissance. Et en plus de ça, on quitte un scénario qu'on a revu sans cesse depuis le mois de décembre, on arrive enfin à un premier élément de réponse. Et cet élément de réponse, il est fondamental. Donc, la baisse des taux, encore une fois, n'est pas un événement de mon point de vue, mais la conférence pourrait vraiment acter quelque chose de beaucoup plus important. Demain, on ne rentre a priori absolument pas dans un cycle accommodant. On est encore très loin, non seulement du taux neutre, ça, c'est évident, mais bien plus que ça, d'une vraie projection sur les baisses. Mais potentiellement, d'ici quelques mois, je pense qu'on pourra revenir en arrière et se dire que oui, le 6 juin, on a pris une certaine forme de pivot important sur les marchés financiers.
Grégoire Favet : La Banque du Canada baisse ses taux aujourd'hui exactement sur cet argument. On constate la désinflation, ils sont passés de neuf à trois comme tout le monde, etc. On constate ce mouvement de désinflation. On sanctionne par une première baisse de taux. Il y en aura peut-être d'autres au fur et à mesure que la désinflation pourra se poursuivre. Le signal est nécessaire. Aucune banque centrale à ce stade ne parle d'un réglage de politique qui deviendrait accommodant.
Kevin Le Nouail : Absolument pas.
Grégoire Favet : Absolument pas. À la baisse, on est bien clair là-dessus. Quelques baisses de taux, ça enlèvera juste un peu du degré de restriction monétaire qu'on a infligé aujourd'hui aux économies.
Kevin Le Nouail : Il faut parler de quelques baisses de taux et non pas d'une seule, absolument. De ce point de vue là, on est...
Grégoire Favet : Je pars du principe que jamais un sans deux. Je veux dire, on ne peut pas en faire une première si on n'a pas en tête quand même qu'on puisse en faire une deuxième, voire une troisième, etc. Mais la question étant jusqu'où et à quelle vitesse on y va.
Kevin Le Nouail : Absolument. Donc, de ce point de vue-là, on a beaucoup d'attente. On n'aura sûrement pas les réponses demain. Je m'entends tout à fait avec Éric. On entend quand même aujourd'hui, on attend des sujets de vocabulaire, enfin des mots, globalement, qui pourraient être posés, qui pourraient malgré tout nous indiquer, j'allais dire, c'est une baisse « aux quiches » pour rebondir sur la hausse de ce point. Sur la retenue, d'accord.
Grégoire Favet : En restant sur la retenue. Mais c'est un signe aussi quand même que les banques centrales ont gagné en confiance dans ce processus de désinflation, dans les projections qu'elles peuvent faire aussi, même à court terme de l'inflation. Ça a été un gros sujet quand même, la fiabilité des modèles de prévision, etc.
Éric Venet : Chapeau pour l'instant.
Grégoire Favet : Depuis quelques mois, visiblement, la BCE est bien plus à l'aise avec son modèle de prévision qui vise beaucoup plus juste, en tout cas que sur la période 2022, 2023.
Éric Venet : Un élément qui pourrait peut-être changer la donne, c'est de montrer au marché que la BCE se soucie un peu plus de la croissance, ce qui voudrait signifier également que si jamais on a un léger rebond de l'inflation, ça la démarque et que ça ne l'empêcherait pas de poursuivre son cycle. Sans le dire, globalement, si je dis : on a bien noté que l'Europe repart, on ne voudrait pas que ça fasse pschitt. On va accompagner ça. Déjà, c'est une façon de se dire : je ne suis pas hyper dépendant de ma prochaine statistique d'inflation, si jamais il y a un 0,1 au lieu de... Voilà. Ça me permettrait de me donner un peu d'air et de me donner une vision au marché.
Grégoire Favet : Regardez un peu au-delà, quoi. Lever la tête du guidon.
Éric Venet : C'est ce qu'on disait tout à l'heure, on a besoin. Là, du coup, je n'ai pas besoin d'avoir tous les trois mois, mais je vois un peu plus de choses parce que je sais qu'elle va soutenir la croissance... Je fais peut-être que je fais un wish-way thinking, mais c'est plus important d'accompagner la croissance, quitte à laisser, sans le dire trop, filer l'inflation. Ce qui n'est pas le cas, parce que pour l'instant, la désinflation est bien dans les cordes. Ça, c'est très bien en ligne avec ce qu’imagine la Banque centrale européenne. Mais pour se décharger d'une pression ou un prochain cycle d'inflation qui ne serait pas forcément interne. Si je dis, on va poursuivre et en surveillant la croissance, ça m'irait très bien.
Grégoire Favet : Que ça vous inspire cette conversation permanente autour des banques centrales dans le marché ? Est-ce que ça autant d'impact encore aujourd'hui que quand on était vraiment dans des surprises d'inflationnistes majeures, avec des réactions violentes et fortes des banques centrales ? Est-ce que c'était un peu plus balisé ? Est-ce que ça reste un sujet pour les obligataires et un peu moins concernant, j'allais dire, pour d'autres types d'investisseurs ? Nicolas ?
Nicolas Chéron : Ça peut engendrer un peu de volatilité à court terme. Demain, je pense qu'on va tous faire une étude de dialectique. On va aller chercher des adjectifs pour voir s'il y a une modification de la stratégie. Je pense surtout qu'ils vont acter la réussite de leur lecture et de leur stratégie au niveau de l'inflation. Et puis, la BCE sera très heureuse de baisser les taux avant la Fed.
Éric Venet : C'est clair.
Nicolas Chéron : Après beaucoup d'hésitations, je pense que oui, ils pourront être contents, effectivement, de pouvoir le faire à ce moment-là. On a une croissance qui repart un petit peu. Après, si on fait le bilan, depuis 2019, on a 3% de croissance du PIB. Là où les États-Unis ont fait des 10%.
Grégoire Favet : D'où l'idée qu'elle soit peut-être un peu plus attentive ou bienveillante vis-à-vis de l'histoire de croissance qui est devant nous.
Nicolas Chéron : Elle a une fenêtre de tir qui est plus agréable, en quelque sorte, parce qu'il n'y a pas les élections américaines en ligne de mire. Donc, elle a un peu plus les mains libres. Elle va pouvoir suivre la croissance. Effectivement, je suis complètement d'accord avec vous. Il n'est pas dit qu'on n'ait pas encore possiblement une ou deux baisses de taux d'ici la fin de l'année par la suite. Mais encore une fois, je te rejoins, ce n'est pas demain qu'on va avoir un calendrier, une cible d'inflation et des choses comme ça. On va un peu rester sur de notre faim, je pense.
Grégoire Favet : Le Conseil des gouverneurs reste très divisé à ce stade sur, effectivement, la visibilité qu'on pourra offrir aux investisseurs à l'issue de cette première baisse de taux.
Kevin Le Nouail : Absolument. Et déjà, de rajouter de la croissance à la feuille de route serait déjà un pas en avant qui n'est pas négligeable. Donc, c'est déjà une attente qui me paraît élevée, que je demande à voir se délivrer. Par contre, ce que cela dit, c'est qu'on est en train d'ergoter, en effet, depuis 10 minutes sur une baisse des taux. Ça rejoint aussi ce que disait Nicolas sur les catalyseurs qui nous manquent aujourd'hui. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, si on se focus là-dessus, c'est qu'on est arrivé au bout d'un grand nombre d'hypothèses qui viendraient soutenir les marchés qui nous permettent d'aller un peu plus loin. Parce qu'on va évidemment arriver au sujet qui fâche, à savoir ceux de certaines valorisations. On peut évidemment commencer par les small et mid, donc on va se rassurer sur le niveau de valorisation. Dès lors qu'on regarde les niveaux equity indiciels large cap, non pas, on se fait peur, ce n'est pas le sujet, mais on arrive sur des niveaux qui asymptotent, voire on quitte parfois le champ statistique, vous savez, les plus un, deux écarts type. Quand on regarde aujourd'hui les niveaux S&P, les niveaux CAC, en termes de valorisation, on a besoin aujourd'hui d'avoir du gaz, si je peux me permettre l'expression.
Grégoire Favet : Et de ce point de vue-là, est-ce qu'on peut faire un lien direct entre petite reprise du cycle en zone euro, accompagnée par la BCE, et un momentum bénéficiaire des entreprises qui pourraient gagner un peu en traction au fur et à mesure des prochains trimestres ?
Kevin Le Nouail : Totalement, on va avoir besoin de retrouver ce répondant-là. N'oublions pas qu'au premier semestre, on peut sembler l'oublier, mais on a eu un répondant de la micro face à la macro, on a eu un épuisement macro et finalement, on a eu des publications qui étaient de très bonnes allées à voir. Aujourd'hui, on remet la macro sur le devant parce que c'est plaisant et ça nous donne le momentum, mais en réalité, il nous faut de la publication maintenant pour aller plus loin. Donc, on va en effet remettre cela sur l'établi. Et encore une fois, on en a surtout besoin en termes de valorisation, parce que quand on prend nos ratios à brûle-pourpoint, il nous manque des points de croissance encore, donc de la reprise macro, certes, mais des résultats bénéficiaires pour aller beaucoup plus loin.
Grégoire Favet : Oui, on n'achète pas au son du canon.
Kevin Le Nouail : Absolument pas, je ne le crois pas. Et on pourrait même remettre cela d'ailleurs sur l'établi des small-mid parce qu'en réalité, aujourd'hui même, sur les small-amid caps, il ne faudrait pas oublier qu'on sort également d'un champ de ruine. C'était parfaitement dit, mais un champ de ruine aussi parce qu'on était en récession bénéficiaire sur l'année dernière. Donc, en réalité, on a aussi un décalage de cycle de leur côté. De ce point de vue là, il ne faudrait pas qu'on aille se confronter maintenant sur les larges à une asymptote aussi de croissance. Parce que si on se retrouve avec, certes, de la macro qui s'améliore sur les taux, mais des niveaux de valorisation qui ne sont pas suivis de rattrapage bénéficiaire, on connaît éventuellement la suite de l'histoire.
Grégoire Favet : À propos de valorisation, Nicolas, je vous laisse Je vais vous le commenter, bien sûr, mais il faut absolument qu'on parle de la tech puisqu'on voit bien que NVIDIA, je veux dire que les taux soient à 4,5, 4,60, 4. Nvidia vit sa vie un peu en dehors de cette conversation autour des banques centrales. Et donc derrière NVIDIA, c'est quand même aussi le segment technologique, le Nasdaq et même la tech en Europe qui fait bien quand même depuis le début de l'année. Est-ce que les moteurs propres à la tech sont toujours là ? Les vents porteurs, le thème de lien. Est-ce qu'on peut analyser la valorisation de ce secteur sans s'effrayer et en restant à peu près rationnel par rapport à ce qu'on peut imaginer ? Ou est-ce qu'il y a déjà des signaux qui doivent nous mettre un peu sur la défensive ?
Nicolas Chéron : Il y a quelques petits signaux qui commencent à s'allumer dans le sens où on bat certains records, où on se retrouve dans des ratios qui parfois peuvent paraître un peu délirants. Quand on regarde le poids du top 10 dans le S&P 500 ou dans le Nasdaq, on voit qu'on est sur des ratios qu'on n'a pas vus depuis 20 ans, 30 ans. Et ce n'est jamais des choses qui ont été soutenables. On avait les Magnificent 7, puis les Magnificent 5, puis 3, puis maintenant, on est dans le Magnificent 1. Oui, c'est ça. Nvidia tire tout.
Grégoire Favet : C'est le S&P1.
Nicolas Chéron : En fait, le S&P, il y a la moitié de la performance de cette année qui est due à quatre, cinq valeurs. C'est ça. S'il n'y a pas ça, on est relativement flat. Sur le Russell, on est complètement flat sur un an, on n'a pas bougé. Donc, en fait, NVIDIA, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Le marché ne fait pas grand-chose et il y a une volonté des opérateurs d'être dedans. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'opérateurs, que ce soient des particuliers ou des professionnels, qui courent après le papier, parce que s'ils arrivent à la fin du premier semestre, certains gérants et qui n'ont pas de NVIDIA en portefeuille, leurs clients vont un peu grincer des dents. Donc, il y a un peu du FOMO, du fear of missing out, de la peur de manquer le mouvement. On voit un VIX qui est sur des plus bas de 30 ans. On est quasiment sur de l'euphorie dans certains comportements. On voit les mêmes stocks, Gamestop et autres, qui de nouveau décalent. Et ça, généralement, on le voit quand on a atteint un certain paroxysme sur le reste du marché, il y a un manque d'idées, on veut de la volatilité, donc on va aller sur de la piètre qualité. Et les meme stocks, c'est typique de phases de FOMO, de spéculations accrues.
Grégoire Favet : Voire une résurgence de ces valeurs-là, liées à la foule et au mouvement de foule. À ce moment-là, vous dites, c'est forcément un petit warning. C'est pas qualitatif. Même si ça a duré beaucoup moins longtemps qu'en 2021, mais ce n'est pas qualitatif.
Nicolas Chéron : Ce n'est pas qualitatif et on le voit également sur les réseaux.
Grégoire Favet : Et ça, c'est l'apanage du marché américain ? Ou est-ce qu'on retrouve ces comportements et ces phénomènes en Europe ? Ou est-ce que, j'allais dire, la situation du marché action en Europe, avec ce qu'on a dit de l'élargissement au mid, au small, etc. Est-ce qu'il y a un niveau de marché plus sain en Europe que ce qu'on observe aux États-Unis ?
Nicolas Chéron : Il n'y a pas cette exubérance, cette volatilité, ce type de valeur. On n'a pas d'équivalent de... Il n'y a que de la tech américaine.
Grégoire Favet : Non, mais les mouvements de foules, on pourrait bien les avoir sur des valeurs européennes aussi.
Nicolas Chéron : On aimerait bien. Oui.
Kevin Le Nouail : Tu retrouves un certain flux aujourd'hui qui pourrait... On n'est pas dans de l'excès absolu. Je te rends ensuite la parole, mais sans être dans de l'excès absolu, le retour du flux peut quand même prêter la confusion puisqu'encore une fois, il n'y a pas de vraie amélioration comme tu disais en introduction. Justification fondamentale aujourd'hui, en tout cas sur l'ensemble des titres.
Grégoire Favet : Donc, il y a des poches d'excès, quand même. Sur la tech, je ne sais pas comment vous regardez ça à ce stade parce que forcément, c'est une question... On surveille ça comme le lait sur le feu parce qu’on comprend tous l'enthousiasme et puis on a quand même tous en tête un peu aussi l'histoire des excès de marché.
Éric Venet : C'est en dehors de tout ce qu'on vient de dire. C'est-à-dire, avant la discussion avec NVIDIA, toutes les paraphrases sur la baisse de taux, tout ça, c'est l'ensemble des marchés financiers, on peut dire. Et là, il y a le phénomène intelligence artificielle NVIDIA. Qu'est-ce qui se passe ? C'est que vous avez des très grosses entreprises américaines qui achètent des puces de NVIDIA parce qu'il leur faut et ça leur coûte une blinde. Après, à un moment donné, il faudra bien se poser la question: mais qu'est-ce que ça va me rapporter en face ? Pour l'instant, ça fait des beaux joujoux. Encore une fois, je ne suis pas un spécialiste, mais vu de dehors, c'est OK. Mais à un moment donné, quelqu'un va se dire : Tu as dépensé X dizaines milliards.
Grégoire Favet : 50 milliards d'achats de GPU NVIDIA.
Éric Venet : C'est quand le retour sur investissement ? On peut dire : Oui, c'est un investissement en futur, mais on a déjà vu la même chose par le passé. Est-ce que c'est le moment de se poser la question de la rentabilité ?
Grégoire Favet : On l'a fait hier, mais est-ce que le marché peut ou va s'inquiéter là, maintenant, de la rentabilité de l'IA, alors que ça fait un an que le thème est en place, qu'on déploie effectivement des GPU un peu partout dans tous les data centers disponibles ?
Éric Venet : Je ne sais pas si ça va s'arrêter maintenant, mais... J'ai l'impression quand même que tout est déjà assez avancé.
Grégoire Favet : Que la première phase de l'IA était bien intégrée.
Éric Venet : Si on devait avoir un accident de marché, ça viendrait de là. C'est-à-dire que pour une raison dont je ne sais pas, on se pose une question ou un concurrent. Encore une fois, je ne suis pas assez spécialiste de la techno, mais comme on est complètement hors marché...
Grégoire Favet : Dans la gestion, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'il faut être prudent ?
Éric Venet : Bien sûr. Oui, mais toujours. La question, c'est que si mon client, il veut du NVIDIA, je lui en mets.
Grégoire Favet : Sinon, moi, je ne peux pas. Moi, je ne peux pas.
Éric Venet : Moi, je ne peux pas. Parce que c'est en dehors de...
Grégoire Favet : Rentrer sur du NVA aujourd'hui, c'est trop compliqué.
Éric Venet : Non, non. Certains l'ont fait, ils ont pris 30% en une semaine. Ok, waouh. Qu'on peut reperd en une semaine aussi.
Nicolas Chéron : C'est un titre qui est extrêmement volatil.
Grégoire Favet : Oui, ça fait un moment qu'on n'a pas vu -30% sur un NVIDIA quand même.
Nicolas Chéron : Il y a trois mois, elle était passée de 1 000 à pratiquement 750, donc 25% à peu près. Sur SMCI également, il y a des mouvements qui sont extrêmement volatils et spéculatifs. Après, je ne vois pas quel pourrait être cet accident.
Éric Venet : Le changement de regard, justement, là-dessus, on se posait la question sur mes... Ou un concurrent qui fait que tout le monde veut ses puces de NVIDIA, mais...
Nicolas Chéron : Il y a des baisses de prix, possiblement, qui pourraient se mettre en place en Chine parce qu'on a Huawei qui fait de la concurrence. Il y a AMD qui court après NVIDIA et qui a un retard technologique et qui essaye de revenir sur ce marché, de grignoter des parts de marché. Après, est-ce que c'est de nature à déstabiliser NVIDIA et l'ensemble de ce pan de marché ? Je ne sais pas, mais il y a un flux totalement hallucinant sur tout ce qui est techs.
Grégoire Favet : Ce qui est impressionnant, c'est qu'ils ont des clients d'une taille financière tellement délirante qu'effectivement, tant que ces clients considèrent qu'ils ont besoin de s'équiper et que même si pour l'instant, il y a des GPU qui ne servent à rien, ils serviront demain, la puissance financière pour passer des commandes, elle est sans équivalent.
Éric Venet : On a affaire à une poignée de clients de NVIDIA qui sont richissimes, donc ils vont dépenser leur argent. Je n'ose pas croire qu'un jour, on va se poser la question : Est-ce que l'argent est bien dépensé ? Je ne sais pas.
Grégoire Favet : Si, je pense qu'il y a toujours des moments de rendez-vous de ce genre-là. Comment on gère ça auprès des clients privés ? Kevin, j'imagine, il y en a quand même certains qui veulent être dans le thème de l'IA. Qu'est-ce qu'on leur dit ? Qu'est-ce qu'on leur propose pour quand même essayer d'équilibrer les risques par rapport aux opportunités ?
Kevin Le Nouail : Déjà, on y va de manière fondamentale. Je vais être très rébarbatif avec ça, mais ce n'est pas notre style d'investissement de faire de l'aller-retour. Donc, on se pose sur le dossier. Le dossier NVIDIA n'est pas celui que je connais le mieux, certes, mais aujourd'hui, en termes de valorisation, on envoie certains warnings à nos clients, non pas sur une chute très violente, je m'entends assez bien avec toi, mais sur un certain moment, arriver là aussi au bout des hypothèses. Aujourd'hui, payer NVIDIA sur ces niveaux-là ne me choque pas dans l'absolu parce que c'est très cohérent avec les niveaux de croissance présentés. Les niveaux de croissance de startup, ça se paye, ce n'est pas un sujet. On le paye tous les jours en private equity, donc je n'ai pas de sujet de ce côté-là. Par contre, la question qui va se poser, c'est de la continuité du mouvement. En réalité, un investisseur, aujourd'hui, quand il vient toquer pour ce type de valeur là, je ne suis pas convaincu qu'il veuille acheter du Nvidia. Il veut acheter la performance de Nvidia, ce qui est totalement différent. Et c'est là où notre warning, entre guillemets, est, je pense, nécessaire. Donc, à mon avis, c'est le sujet. En termes de retour sur investissement, je serais bien trop assertif à juger si aujourd'hui, c'est un bon ou mauvais retour sur investissement. Je ne suis pas convaincu que ça soit un des plus mauvais investissements que puissent faire ces sociétés-là, d'autant plus qu'on évoque beaucoup l'IA ensemble sur ce plateau, mais NVIDIA aujourd'hui est connecté en réalité, à un ensemble de technologies sous-jacentes qui vont, à mon avis, bien plus loin que l'intelligence artificielle, au sens où on l'entendrait seulement par ChatGPT.
Grégoire Favet : Ça veut dire si on considère que NVIDIA, pour des profils d'investisseurs qui veulent rester prudents, comment on met de l'IA dans son portefeuille au-delà de NVIDIA ? Est-ce qu'il y a une manière d'être exposé, j'allais dire, assez purement à l'IA à travers d'autres entreprises, d'autres secteurs aujourd'hui ?
Kevin Le Nouail : Oui, il y a d'autres manières de le faire. On a aujourd'hui des secteurs qui sont des valeurs qui sont porteuses. On a rentré des valeurs en portefeuille qui vont y toucher, mais qui n'ont pas les mêmes performances, donc qui aujourd'hui sont déceptives si on regarde uniquement sous le fond de la performance. Le sujet pour s'exposer à la tech, à l'intelligence artificielle et à NVIDIA, je vais être très brut, c'est de faire de l'indiciel aujourd'hui. On a assez parlé sur la concentration. Aujourd'hui, nos clients achètent soit du sectoriel, pour ne pas faire de picking, soit de l'indiciel en réalité. Et on le sait aujourd'hui, porter du S&P en portefeuille, porter du Nasdaq en portefeuille. Oui, c'est être exposé à l'IA. C'est porter du NVIDIA. Oui, à NVIDIA et donc à l'IA. De l'IA de manière sous-large. Absolument.
Grégoire Favet : Sur les small et mid-cap, je veux bien qu'on revienne un peu sur comment la cote est animée par des opérations sur capital. Demain, il y a une nouvelle introduction en Bourse. C'est l'ex-Photonis qui s'est introduit à la Bourse de Paris. On était à un peu plus d'un milliard de valorisation au démarrage. On est à 1,5 aujourd'hui. Il y a d'autres grosses de la production en Bourse en Europe. Est-ce qu'il y a des leçons à retenir de ces opérations à ce stade ? Et est-ce que c'est le début d'une fenêtre de tir qui pourrait rester, je vais dire, constructive de ce point de vue là, Nicolas ?
Nicolas Chéron : En fait, lorsque l'on commence à dire que les introductions boursières se passent bien en Bourse, c'est qu'il y a un petit warning qui s'allume encore une fois. Sur les cinq dernières années, en France, il y a sept introductions boursières qui sont positives sur 64. Ça fait 11%. 89%, c'est des pertes qui vont parfois jusqu'à 60, 80, 90%.
Grégoire Favet : Ce sont aussi des boîtes qui ont été introduites, à leur décharge dans des moments de marché un peu compliqués, dans un cycle de marché qui a été un peu perturbé.
Grégoire Favet : Ça, c'est sûr que... À Paris, il n'y a pas de réussite en termes d'introduction en Bourse depuis bien longtemps.
Nicolas Chéron : On a eu quelques intros, Okawind ou quelques petits noms comme ça qui ont un peu percé, qui ont pris 20, 30, parfois 40% depuis l'introduction boursière. Est-ce que pour autant, je vais parler plus des introductions boursières comme d'une opportunité ? Non. Ça reste des valeurs qui, globalement, ont une liquidité qui est relativement faible. Ça veut dire qu'à la moindre déception, au moindre mouvement de marché, c'est moins 25 très rapidement. Donc, je regarde ça d'un œil amusé. Je me dis que ça fait partie ou ça montre qu'on a de la confiance dans le marché, certes, mais de cette conclusion qu'il y a de la confiance dans le marché.
Grégoire Favet : Ça ne veut pas dire forcément que les introductions en Bourse qui viennent aujourd'hui sont des bons dossiers ou en tout cas, seront des réussites.
Nicolas Chéron : Je n'y toucherai toujours pas et ça, ça fait 20 ans.
Grégoire Favet : Oui, bien sûr, pas faire de primaire. Non, mais ça, c'est des règles qu'on se fixe à chacun, Éric.
Éric Venet : Encore moins maintenant, puisque je peux faire la même chose sur le même marché avec l'historique des valeurs qui ont 10 ans et qui se sont fait massacrer, où j'ai vu la réaction du marché. Là, je vais acheter une boîte où on me dit qu'elle est très bien, OK, super. En ordinaire, je veux bien, mais là, on est sur un marché sinistré, sur dans le mid et small.
Grégoire Favet : Ma question n'était pas de savoir s'il fallait aller au primaire sur Exosens, l'ex Photonis. Non, ma question, c'était de savoir qu'est-ce que ça nous dit du marché ? Photonis, c'est dans la défense, Planisware, c'est dans les logiciels. Quand on regarde d'où viennent ces boîtes, dans quel secteur ? Je mets ça avec les opérations sur capital. Il y a beaucoup d'augmentation de capital, ça se passe bien visiblement, il y a du M&A qui anime la cote. Moi, j'appelle ça de l'animation de la cote.
Éric Venet : Oui, je ne sais pas ce que ça peut dire.
Kevin Le Nouail : Je disais tout à l'heure que le private equity voulait peut-être sortir.
Grégoire Favet : Là, oui, sur Photonis, oui, sur Photonis, oui, c'est une sortie. Oui, c'est une sortie. Je te rappelle que le dossier, il y avait un veto du gouvernement parce qu'à un moment, les Américains voulaient racheter l'ex-Photonis. On est dans de l'optique pour la défense, etc. À part le fonds HDL de Jean-Bernard Lafonta, à l'époque, il n'y a pas beaucoup d'investisseurs français et européens qui se précipitaient pour investir dans la pépite Fotonis.
Kevin Le Nouail : Effectivement, il y a un fonds qui a fait le job. D'où ce point-là. Aujourd'hui, il y a une recherche de liquidité, sûrement. On pourrait faire sûrement une émission complète là-dessus, mais c'est sûrement à mettre au regard aussi Et à l'inverse... D'un intérêt pour le marché également en coté.
Grégoire Favet : Et à l'inverse, le private equity estime qu'il y a des belles opportunités dans les small and mid-cap.
Kevin Le Nouail : Oui, en private. Et au contraire, on a le flanc private et le flanc de la sortie de cote au bout. Et aujourd'hui, sur le marché coté, se posera un jour la question, justement, de l'avenir du marché coté, pour certains.
Grégoire Favet : De ce qui restera. Bien sûr. Non, mais j'ai toujours, c'est ce que je dis, j'ai toujours ce double sentiment quand je vois Néon, par exemple, sortir au bout de seulement six ans d'histoire boursière. Alors, à un prix exceptionnel, elle a des multiples exceptionnels, 18 fois l’EBITDA, etc. L'opération est magnifique, qui restera dans les annales. Mais c'est vrai que sur le plan boursier, quand je vois qu'il y a des boîtes qui sont cotées depuis 100 ou 150 ans, je me dis que six ans, c'est court.
Nicolas Chéron : C’est très dommage pour nous, investisseurs. Quand on cherche des idées, effectivement, dans les small et mid cap, ça en fait une de moins, je suis d'accord. Parce que malheureusement, on n'a pas énormément de sociétés qui sont cotées dans le renouvelable, qui sont de qualité en France. On avait Albioma qui était sorti il y a un an et demi. Il restait Néon, il reste Voltalia. Qui a profité. Il y en aura peut-être d'autres à travers les introductions en Bourse, je ne sais pas. C'était superbe parce qu'on avait fait tout un cycle là-dessus. On avait eu la vague spéculative en 2021 sur tout ce qui était renouvelable, l'éclatement de la bulle avec la hausse des taux et puis les valorisations qui étaient devenues un petit peu délirantes. Ensuite, les titres ont stabilisé en 2023. Début 2024, on a eu des gros trous d'air. Moi, c'était une de mes thématiques préférées depuis le début de l'année, parce qu'en fait, quand on soulève le capot des marchés qui ne font que monter, on avait comme ça... Oui, des poches.
Grégoire Favet : Oui, c'est ce qu'on disait.
Nicolas Chéron : … Une poche d'intérêt. Des valeurs qui sont de qualité, où on joue une thématique très long terme et qui, en plus, allaient profiter d'éventuelles baisses de taux. Donc, il y avait un rattrapage certain à jouer, voire même un coup à long terme vers des records historiques, etc. Donc moi, j'aurais bien aimé pouvoir tenir Néon en portefeuille jusqu'à 100 € et pas me faire sortir.
Grégoire Favet : Ça pouvait aller à 100 € ?
Nicolas Chéron : À échéance 5, 10 ans, je pense.
Grégoire Favet : On verra. Peut-être que Brookfield les remettra en vente dans quelques années pour...
Nicolas Chéron : Je ne sais pas, mais c'est un peu frustrant.
Grégoire Favet : Est-ce que c'est un marqueur du retour de cette thématique quand même, des renouvelables que vous chassez depuis quelque temps sur le marché, Nicolas ?
Nicolas Chéron : Je pense, oui. Parce qu'on a vraiment eu un cycle de A à Z. Là, on a un redémarrage et moi, je trouve que c'est intéressant. On va de toute façon avoir besoin d'énergie. On parlait de l'IA il y a quelques instants. Rien que l'IA va nécessiter une puissance énergétique absolument énorme. Ça s'est traduit aussi récemment par la hausse du cuivre parce qu'on en a besoin pour l'électrification. Donc, est-ce que c'est ce flux-là qui a engendré ça ?
Grégoire Favet : Je ne sais pas. Si on est chaud sur l'IA, on est chaud sur le solaire aussi.
Nicolas Chéron : Oui, ça peut aller de pair. On le voit sur des valeurs américaines, on en parlait avant cette émission, First Solar plus 60% depuis le début de l'année. C'est un magnifique parcours ces trois dernières années et c'est des thématiques sur lesquelles on va pouvoir compter dans la décennie à venir.
Kevin Le Nouail : Parce qu'américaine, c'est-à-dire qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on peut parler des petites et moyennes qui vont qui vont sûrement bénéficier. Sur les majors, on va avoir un vrai sujet. C'est le sujet des surcapacités à un certain moment. Et l'Europe se retrouve en plus en étau avec une zone chinoise excédentaire dans sa production et une zone américaine qui va nous redire America First, quel que soit le président élu, a priori en fin d'année. Donc, sur le sujet des renouvelables, pareil, c'est une thématique favorite. Passer ce rebond-là, je demande là aussi à voir ce qui va pouvoir engendrer la poursuite du mouvement. Je vais le dire ainsi. Pardon Éric.
Éric Venet : Non, non. Dieu sait si on a souffert à conserver ces valeurs-là. Mais on était à moins 30, moins 40. Oui, des valeurs à la cave. Finalement, rester sur les small, c'est un espoir de se dire qu'à un moment, il y a bien quelqu'un qui trouve que ça ne vaut pas ça. Donc, il faut rester malgré tout ce qu'on peut souffrir sur les small. C'était juste pour dire. Il y a à la fin une sortie par le haut pour ce marché-là.
Grégoire Favet : Oui, encore une fois, sur des multiples quand même particulièrement élevés pour Neon. Il nous reste quelques minutes, petit tour de table. Oui, toujours la question à la fin de la journée, qu'est-ce qu'on fait ? C'est quoi la logique d'investissement à ce stade ? Comment on équilibre un peu une allocation aujourd'hui ? Est-ce qu'on a plus envie d'être sur la défensive ? Est-ce qu'il faut rester constructif ? Est-ce que les baisses de taux vont aider, etc. Comment ça se retrouve dans un portefeuille, une allocation aujourd'hui ?
Éric Venet : Moi, je ne sors pas du marché sur les grosses valeurs actions. Je ne suis toujours pas revenu à fond sur les obligations, mais ça, depuis très longtemps, parce que je l'ai dit que le marché n'est pas stabilisé au niveau taux long. En plus, je ne suis pas hyper spécialiste non plus. Et je fais du stop picking sur les small.
Grégoire Favet : D'accord. Voilà, point. Donc c'est l'univers small aujourd'hui qui est, comme vous disiez, le territoire où il fait bon être en ce moment. Kevin, pour le compte de vos clients privés ? Qu'est-ce qui fait une bonne allocation, un bon équilibre pour traverser les prochaines semaines, les prochains mois ?
Kevin Le Nouail : Le fait de ne pas écouter trop le bruit ambiant, je vais le dire ainsi, ça paraît évident, mais en réalité, on reste sur des valeurs fondamentales en portefeuille, donc c'est très important pour nos clients, notamment parce que c'est notre thématique de clientèle. Je ne parle pas pour tout le monde. Ce qui anime nos portefeuilles, ce qui continue à nous animer, c'est soit du picking fondamental, ça, je viens de le dire, c'est encore de l'obligataire, globalement. Il me semble qu'on arrive... Je prêche peut-être parfois dans le désert, mais il me semble qu'on arrive à la dernière fenêtre d'achat sur de l'obligataire de qualité, je le précise bien, en euros et en corporate. Je dois mettre beaucoup d'adverbes là-dessus.
Grégoire Favet : Dans la logique de bloquer un rendement pour le futur.
Kevin Le Nouail : Absolument. On exclut évidemment le dollar de cela parce que le dollar présente des spreads absolument déprimants aujourd'hui. Mais sur la partie européenne, on est encore relativement bien payé pour prendre un risque mineur. On arrive à s'en sortir sur du global blend, on doit être en qui est à 110 points de base de spread. Pour le compte de nos clients, on arrive aujourd'hui à aller chercher du papier triple B, 150, 170 points de base de spread. Ce n'est pas effarant, mais aujourd'hui, dans un univers qui nous amène sur une baisse des taux et surtout, on l'espère, sur une normalisation inflationniste, on peut considérer que figer aujourd'hui ce rendement-là, 3, 7 ans, fait sens. Ça fait le job. Absolument, notamment si on a une perte d'intérêt du monétaire dans les prochains mois.
Grégoire Favet : On verra effectivement à quel rythme les gens commencent à sortir du monétaire après des flux massifs, effectivement, sur des produits de court terme, livrés ou autres.
Kevin Le Nouail : Trois produits. Le monétaire va évidemment animer sûrement les 18... Je ne pense pas avant 18 mois parce qu'on a un effet très long d'inertie dessus, et d'autant plus que la rémunération du monétaire est linéaire. Donc, de ce point de vue là, il y a un vrai intérêt aujourd'hui pour l'investisseur. Il ne le retrouve pas dans l'obligataire parce que l'obligataire nous apporte la volatilité du taux, en réalité. Donc, on se retrouve embarqué dans un mouvement de marché, ce qui n'est pas le cas du monétaire. Et puis, sur le monétaire, on aura aussi besoin d'un arbitrage. On ne va pas vendre du monétaire. En fait, on va vouloir acheter de l'investissement, de l'equity, notamment. Donc, on a besoin, on en parlait tout à l'heure, du catalyseur pour revenir. L'autre point, c'est éventuellement le capital garanti. Ça, on en parlera beaucoup plus en gestion privée. Le capital garanti aussi va être mis sur la table parce que là, pour le coup, on va avoir des calls qui vont arriver assez rapidement. On va rester dessus.
Grégoire Favet : Nicolas.
Nicolas Chéron : Moi, j'aime bien l'idée, notamment pour les jeunes investisseurs que j'accompagne, d'avoir un portefeuille diversifié, multi-classes d'actifs.
Grégoire Favet : C'est quoi le portefeuille du jeune investisseur, là, alors ?
Nicolas Chéron : C'est ça. C'est entre 5 et 10% de cryptomonnaie, pour pas non plus avoir trop de volatilité en portefeuille, autour de 15% de métaux précieux. Moi, j'adore l'or et l'argent, et ce, depuis des années. Donc, je continue d'aimer cette thématique, d'autant plus quand on voit les achats de toutes les banques centrales à travers la planète sur l'or. Le signal, à mon avis, de la cassure des 2 200, 2 100 $, des plus hauts historiques, c'est quelque chose de très fort qui nous ouvre une voie pour, je pense, les années à venir. Donc d'avoir soit des ETF, si on veut faire de la gestion passive, simplement, de l'or, des cryptomonnaies. Si on est un peu plus actif, on l'a dit, je crois, aujourd'hui, de faire un petit peu de stock picking et puis de garder une petite poche de cash dans l'idée où sait-on jamais pendant l'été, alors que tout le monde est à la plage... Un joli trou d'air. Le trou d'air ? Ça peut arriver pendant l'été, parce que je crois que vous avez manqué de soleil dernièrement. Ou bien même en septembre, avant les élections américaines, puisque quand on regarde la saisonnalité des années d'élections présidentielles, les trous d'air sont relativement nombreux.
Grégoire Favet : Oui ?
Nicolas Chéron : Oui. Sur septembre, octobre.
Grégoire Favet : On suivra ça. Effectivement, la prochaine étape avant l'été, les élections américaines, c'est demain, et la décision de la Banque Centrale Européenne. Merci à vous trois d'avoir été les invités de Manette Marché ce soir. Nicolas Chéron, Stratégiste indépendant, Kevin Le Nouail est directeur associé chez Avant-Garde Family Office et Éric Venet, directeur de la gestion de Montbleu Finance.